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Service national universel : l’action de l’Etat a besoin de temps long, non de disruption permanente

Ce matin, le gouvernement a annoncé le lancement en 2019 du Service national universel (SNU). Beaucoup de scénarios avaient été envisagés – d’un service national obligatoire encadré par les armées au « parcours citoyen » d’une semaine par an pour les collégiens. Aujourd’hui, le gouvernement décide qu’il annoncera quelque chose après une future consultation… La seule certitude apparente, c’est que le service national durera un mois, « autour de 16 ans ».

 

L’objectif affiché est louable mais le dispositif envisagé ne peut que manquer sa cible

L’objectif affiché du SNU – redonner le sens du service aux plus jeunes – est louable. Mais le dispositif qui semble envisagé ne peut que manquer sa cible.

Un service ne doit pas être poursuivi pour lui-même. Il n’est pas une coquille vide : servir, c’est servir quelque chose. C’est dans son efficacité concrète que le service prend du sens – à défaut, il n’est que contrainte artificielle imposée d’en haut. Le service ne crée de cohésion que si l’objet qu’il se donne prend une réelle signification aux yeux de ceux qu’il engage. C’est ce qui fait la réussite du Service civique, qui mobilise depuis sa création un nombre sans cesse croissant de jeunes. Les bienfaits qui sont attendus d’un SNU – faire l’expérience de la mixité sociale et de la cohésion républicaine – ne peuvent découler que de cette utilité concrète qui pourra lui donner sens.

Faute de cela, on ne fondera rien en quinze jours d’internat et quinze jours de « projets collectifs », agrémentés d’enseignements sur la morale civique. Aucun dispositif, même le plus coûteux, ne fera en quelques semaines ce que l’école n’a pas réussi en quinze ans. Ce dispositif apparaît pour ce qu’il est : une promesse de campagne médiatiquement payante, mais que notre pays paiera cher sans en tirer une véritable amélioration. L’ironie est que les 3 milliards d’euros envisagés, grevant le budget d’un Etat surendetté, seront à la charge de cette génération à laquelle on prétend enseigner le civisme tout en continuant de financer sur son dos des mises en scène politiciennes.

La France a choisi l’armée de métier – on peut le regretter aujourd’hui, mais sauf à vouloir revenir à la conscription, il faut assumer ce choix dans la durée. Aujourd’hui, nos forces, déjà fragilisées par des années de réductions budgétaires, portent avec courage et professionnalisme le poids de leurs nombreux engagements pour la défense de la France : un dispositif éducatif ne saurait leur être imposé. Dès lors, il est inutile de créer un faux semblant de service militaire, qui ne serait ni militaire, ni service, pour résoudre la crise causée par les fragmentations de notre société. L’action de l’Etat a besoin de temps long, non de disruption permanente.

 

Notre sentiment d’appartenance à une même nation, c’est d’abord par l’école qu’il faut la reconstruire

Notre sentiment d’appartenance à une même nation, c’est d’abord par l’école qu’il faut la reconstruire. L’éducation est la seule réponse, par la transmission d’une culture commune qu’elle seule peut offrir. Mais pour recréer ce sens de l’appartenance, encore faut-il que nos gouvernants se donnent d’autres objectifs que l’émancipation de l’individu, et qu’ils participent à la reconstruction des liens qui nous relient les uns aux autres. Pour cela, il faut continuer sereinement de développer des dispositifs qui, loin de l’usine à gaz qui se dessine aujourd’hui, font déjà leurs preuves sur le terrain : service civique, service militaire adapté, établissements pour l’insertion dans l’emploi (EPIDe)…

Le Président est un remarquable communicant ; mais il s’agit ici d’enjeux qui n’autorisent pas les artifices de communication. Réparer le sens civique et préparer les générations qui viennent à jouer leur rôle dans la nation, voilà des objectifs trop sérieux pour qu’on les traite par de tels artifices.

 

PFS

Thibault Hennion

François-Xavier Bellamy