Energie : panorama des enjeux écologiques

Alors que le Groupe des experts du climat de l’ONU dresse un constat alarmant sur notre capacité réelle à tenir les engagements mondiaux sur le climat, et que se saisissent bon nombre d’associations en appelant immédiatement à cesser la production nucléaire en France, qu’en est-il réellement ? Petit panorama de la réalité de la consommation énergétique française pour s’éloigner de l’agenda idéologique de certains et garder les pieds sur Terre.

 

Cette brève résulte du croisement de deux fiches de lecture, réalisées par des adhérents de Servir, portant sur deux rapports de l’Institut Montaigne. Le premier, intitulé « Nucléaire : l’heure des choix », a été publié en juin 2016. Le second, intitulé «Energie : priorité au climat », a été publié en juin 2017. De ces analyses scientifiques, qui dépassent les postures idéologiques pour se confronter au réel, Servir souhaite tirer des enseignements. Si le nucléaire ne constitue pas la panacée écologique, loin de là, il reste aujourd’hui une technologie incontournable permettant tout à la fois de garantir notre respect des engagements climatiques, notre indépendance énergétique et la sécurité de nos installations. Deux actions doivent donc être privilégiées, et elles sont complémentaires : d’une part, réduire notre dépendance à l’importation d’hydrocarbures, très émettrices de CO2 ; d’autre part, assurer le remplacement du fossile, et non du nucléaire, par le renouvelable.

La France ne représente qu’1,2% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, alors qu’elle pèse pour 4,3% du PIB mondial. C’est l’activité de transport qui est responsable du tiers de ses émissions, tandis que le résidentiel, l’agriculture et l’industrie en représentent chacun 20%.

Notre consommation finale d’énergie correspond ainsi essentiellement à une consommation de pétrole (45%) et de gaz (20%). 23% de notre consommation d’énergie provient de source électrique, dont les trois-quarts sont issus de nos capacités nucléaires. Puisque la France ne produit surtout que de l’électricité, qu’elle exporte largement, cette consommation en pétrole et en gaz est avant tout importée – contribuant à dégrader notre solde énergétique (-40 Mds€).

Deux enseignements majeurs doivent être tirés des faits que nous venons de rappeler :

  • En premier lieu, l’enjeu essentiel semble surtout de pouvoir diminuer nos importations d’hydrocarbures (pétrole, gaz) notamment dans le secteur du chauffage et des transports. Ce sont elles qui sont coûteuses, qui affaiblissent notre souveraineté énergétique, et qui sont responsables d’une forte proportion de notre émission de CO2.
  • En second lieu, l’Europe est déjà en situation de surcapacité électrique, y ajouter de nouvelles capacités, fussent-elles renouvelables, équivaut donc à un véritable gâchis. L’introduction de renouvelable ne devrait ainsi se faire en priorité qu’en effaçant la production issue des capacités électriques issues d’énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole), et notamment pour soutenir l’exportation française d’électricité.

 

La réduction de notre dépendance aux hydrocarbures (pétrole, gaz)

 

Deux domaines d’activité sont ici principalement concernés.

D’une part, le secteur du chauffage résidentiel ou tertiaire (dans les activités de service) : ici, le chauffage électrique doit être privilégié pour les bâtiments neufs, bien isolés. Dans les centres urbains, les réseaux de chaleurs transportant la chaleur par un fluide comme l’eau ou la vapeur, chauffées au moyen de puits géothermiques, d’incinérateurs de déchets ou de chaufferies à la biomasse et au bois doivent être développés. L’installation de chaudières à condensation doit également être incitée, afin d’éviter le recours au fioul et de limiter les émissions de GES. Le biogaz (permettant ainsi de soutenir, par là même, la production agricole) doit être développé. Enfin, l’incitation à l’isolation du parc de logements existants doit être poursuivie, en accentuant notamment les contrôles sur les professionnels du secteur.

D’autre part, le secteur des transports : le développement des véhicules électriques et hybrides rechargeables est, selon l’Institut Montaigne, la solution la plus pertinente pour « décarboner » les transports en France. Cela suppose cependant une ambitieuse politique d’aménagement du territoire permettant de couvrir le territoire de bornes de recharge facilement accessibles, et le maintien d’un soutien actif à l’achat de ces véhicules. Enfin, le pilotage intelligent des réseaux exigera de favoriser par des tarifs adaptés la charge lente pendant les heures creuses, au domicile et au travail.

 

Le renouvelable doit remplacer le fossile, pas le nucléaire

 

Il est aujourd’hui irréaliste de vouloir sortir du nucléaire si l’on souhaite contenir le réchauffement climatique sous le 1,5 C°, alors qu’il est prévu que la demande en énergie augmente significativement (+ 23% de la demande en énergie primaire selon l’AIE d’ici 2030).

Le nucléaire possède de nombreux inconvénients :

  • gestion des déchets radioactifs (principe du pollueur-payeur : la responsabilité est celle du producteur) et loi du 28 juin 2006 sur l’entreposage de longue durée. La France gère un stock de 1,54 millions de m3 de déchets radioactifs, mais dont 3% seulement concentrent 99,8% de la radioactivité totale.
  • coût de rénovation du parc existant (parc de 2ème génération notamment) ;
  • difficulté de financement de cette source d’énergie (rendements positifs 8 ans seulement après l’installation de la centrale et augmentation des coûts avec le vieillissement du réacteur) ;
  • sûreté et fortes contraintes réglementaires augmentant les coûts – quoiqu’il faille les mettre en regard des autres technologies productrices d’énergie (notamment de gaz), également sources de risques.

Mais le nucléaire possède aussi certains avantages significatifs :

  • il constitue un atout dans la lutte contre le réchauffement climatique : le nucléaire  contribue à réduire de 8% par an à l’horizon de 2050 les émissions de CO2 soit une économie de 60 milliards de tonnes de CO2 depuis 50 ans. En effet, le nucléaire n’émet que 12 g de CO2 par KWh, contre 820 g pour le charbon ;
  • il assure notre indépendance énergétique ;
  • il contribue à notre compétitivité économique.

Vouloir substituer le nucléaire au profit des énergies renouvelables est donc une bévue écologique. D’abord parce que cette politique dogmatique est un gaspillage de ressources, eu égard aux investissements déjà consentis. Ensuite parce que le cas allemand illustre l’impasse écologique de ce type de décision brutale : l’arrêt des 7 centrales nucléaires allemandes a conduit à l’augmentation de la proportion de centrales à charbon, qui comptent pour près de 40% de la production électrique allemande. Le contenu CO2 moyen de l’électricité s’élève outre-Rhin à 490g par KWh, contre 53g en France. La fixation par la loi sur la transition énergétique d’un plafond de consommation d’électricité d’origine nucléaire répond ainsi à une volonté plus idéologique que réaliste.

C’est le remplacement des capacités fossiles par les capacités renouvelables qu’il faut encourager. Toutefois, la baisse massive des prix des énergies fossiles (notamment en raison de l’exploitation américaine en pétrole de schiste, à la baisse de la demande chinoise, à l’augmentation de la production de pétrole par les pétromonarchies du golfe Persique et à l’entrée sur le marché de l’Iran) constitue un frein à une telle politique.

Une solution préconisée par l’Institut Montaigne est d’augmenter le « prix du carbone » européen, actuellement discrédité par son niveau très faible (6€/t de CO2), à 30€/t de CO2. De même, une autre solution consisterait à assurer la taxation du carbone à la frontière européenne, renchérissant le coût des importations des biens en fonction de la quantité moyenne de carbone tracée dans le produit importé. Ces deux mesures doivent cependant accompagner la « décarbonation » des capacités de production européennes, très dépendantes des importations d’hydrocarbure, au risque sinon de grever sa compétitivité économique. Enfin, l’Institut préconise de baisser drastiquement la taxation de la biomasse et du biogaz, très peu émetteurs de CO2 et par ailleurs susceptibles d’offrir une source complémentaire de revenus à nos agriculteurs, par rapport à la taxation des produits fossiles.

 

Ferréol Delmas & PFS

 


 

Dans le courant du prochain mois, nous publierons quatre séries de notes tentant de dessiner notre vision politique de l’écologie, émanant de nos adhérents, simples citoyens, professionnels des secteurs d’activité concernés ou bénévoles engagés dans des actions au service de l’environnement.

La première série introduit notre approche générale de l’écologie – ce que l’on pourrait appeler notre « vision » du sujet. Les textes sont à retrouver ici :
Edito : l’écologie est notre affaire.
L’écologie est la première des politiques.

La deuxième série s’attachera au thème de l’agriculture et de l’agroalimentaire : elle prônera de retrouver une agriculture qui soit « à hauteur d’hommes ». Les textes sont à retrouver ici:
Pour une agriculture à hauteur d’homme
Chronique de nos campagnes

La troisième série touchera à l’énergie, à ses enjeux et aux futurs développements des défis qui s’y rapportent. Les textes sont à retrouver ici:
Energie: panorama des enjeux écologiques
Energie solaire : se réapproprier l’écologie

Enfin, la dernière série aura trait à l’économie circulaire et à nos comportements en termes de consommation.

Nous espérons qu’en balayant ainsi largement ce sujet essentiel, nous puissions susciter autour de vous réflexions et… actions !