L’écologie est la première des politiques

Protéger la planète, veiller sur la nature et sur l’admirable diversité des êtres qui la peuple, prendre soin de l’environnement dans lequel nous vivons : ces enjeux sont enfin aujourd’hui pleinement politiques, qui intéressent les gouvernements et les citoyens de tous les pays du monde. Et pourtant, parler de « dette écologique » ne suffit pas à dire un projet politique stricto sensu. A titre d’illustration, la Deep ecology qui aspire grosso modo à la disparition des hommes pour protéger la nature, n’a que peu à voir avec la sobriété heureuse des tenants de la décroissance, ou avec l’« écologie du jardinier » qui caractériserait une écologie « de droite » pour la philosophe Chantal Delsol. En matière d’écologie, les projets politiques ne sont pas uniformes : ils s’ancrent chacun sur des visions politiques et anthropologiques distinctes, voire antagonistes. Pluralité dans les fins, mais également dans les moyens de faire de l’écologie et de mobiliser les citoyens autour des enjeux environnementaux.

Ce qui caractérise Servir et notre sensibilité, c’est justement l’importance pour nous d’inscrire le présent dans le temps long de l’histoire humaine, elle-même lovée dans « l’histoire de la terre » – il faut mettre des guillemets, pour attirer l’attention des écologistes radicaux : car sans hommes, il n’y a pas d’histoire. Autrement dit, aucun thème n’embrasse avec autant de logique les trois piliers de la pensée qui nous anime. D’une part, l’écologie relève de l’enracinement ; ensuite d’un rapport étroit avec le réel ; enfin, de la responsabilité de chacun.

 

Pour une écologie de l’enracinement

 

Si la planète est un jardin, l’homme est un jardinier – et l’homme qui se déclare conservateur est génétiquement un jardiner, parce qu’historiquement, l’inquiétude écologique se déploie à partir du discours des conservateurs qui s’opposèrent à la folie positiviste du XIXème siècle – celle que l’on peut lire chez Auguste Comte comme chez Marx. En prenant la nature comme un donné à transformer, à assujettir à la puissance de l’imagination, le progrès – qui devait être technique, social et politique – a donc particulièrement abîmé l’environnement, justifiant la destruction temporaire de la terre par des argumentaires prométhéens tournés vers un grand soir, un futur meilleur.

Il serait trop long de relever les contradictions dans lesquelles s’enferrent les progressistes contemporains, qui aspirent en même temps à retrouver une harmonie avec la nature. La grande promesse progressiste, celle de libérer les hommes des injustes aléas de la nature par l’accomplissement technique de l’humanité, n’est pourtant plus audible à l’heure des catastrophes écologiques, dommages collatéraux du progrès technique.

Une écologie de l’enracinement prend la nature comme un donné dont la perfectibilité dépend de chaque espèce. Prudente, cette écologie ne cherchera pas à multiplier les expériences transgéniques, ne cherchera pas à transformer matériellement l’humanité, mais bien à tirer le meilleur de ce qui existe, aidée par la technique et non pas dirigée par elle. La technique n’est qu’un moyen : c’est à nous d’en prescrire les fins. Une écologie de l’enracinement prend donc appui sur un projet véritablement politique.

 

Pour une écologie réaliste

 

C’est ainsi que nous plaidons pour une écologie réaliste – réaliste et humaniste. La prise en otage de l’écologie par la postmodernité l’a associée à l’antispécisme, à la post-démocratie, au malthusianisme. Or ces syncrétismes malheureux ont placé l’écologie du côté des idéologies, alors même qu’il n’y a rien de plus réaliste : habiter une maison implique par exemple d’en gérer collectivement les déchets, de veiller à ce que tout reste propre…

Mais notre écologie se veut également humaniste, contre les discours qui verraient l’homme comme un prédateur menaçant une « Mère-Nature » originelle. Cette pensée fait fi de l’humanisme aux sources de notre culture, cet humanisme qui a fait de l’homme le protecteur de la nature qui lui a été confiée. A l’opposée de notre tradition, on trouve par exemple la Deep Ecology qui justifie jusqu’à l’instrumentalisation de la peur pourvu que la Planète « survive » à l’homme. Les Droits de l’Homme pourraient donc être tranquillement bafoués au nom d’une cause supérieure à l’homme-même – et la « haine de soi » des occidentaux acquérir ainsi une dimension universelle.

 

Pour une écologie de la responsabilité

 

Enfin, notre écologie relève aussi et d’abord de la responsabilité individuelle. Pour certains, la responsabilité ne peut être que collective – l’individu étant par essence le jouet de forces sur lesquels il n’a pas prise, que ce soit sa condition sociale ou son patrimoine génétique. Notre écologie ne peut agréer à cette déresponsabilisation, parce que notre anthropologie professe la capacité de chacun à agir sur son environnement, à agir avec et malgré ses « conditionnements » qui ne disent pas tout de lui. Alors, le respect et la protection de l’environnement devient l’affaire de tous et de chacun. La question ne saurait se résumer à dénoncer des groupes industriels, incarnant l’hydre capitaliste et donc causes de tous les maux de la terre.

Le grand enjeu consiste plutôt aujourd’hui à faire émerger une conscience écologique, qui réclame des pratiques, mais aussi et surtout une éducation. Et plus précisément, une éducation par laquelle chacun se sait responsable et agit comme tel. Nous voulons donc inscrire l’écologie dans une perspective large, celle de la prospérité, de la solidarité, de la croissance durable tout en faisant renaître dans le cœur de chaque Français le sentiment de l’intérêt collectif. En d’autres termes, nous voulons inscrire le souci écologique au cœur d’un projet politique en rupture avec une tradition écologique de posture. Parce que c’est d’abord le réel qui nous oblige.

 

V.R.

 


 

Dans le courant du prochain mois, nous publierons quatre séries de notes tentant de dessiner notre vision politique de l’écologie, émanant de nos adhérents, simples citoyens, professionnels des secteurs d’activité concernés ou bénévoles engagés dans des actions au service de l’environnement.

La première série introduit notre approche générale de l’écologie – ce que l’on pourrait appeler notre « vision » du sujet. Les textes sont à retrouver ici :
Edito : l’écologie est notre affaire.
L’écologie est la première des politiques.

La deuxième série s’attachera au thème de l’agriculture et de l’agroalimentaire : elle prônera de retrouver une agriculture qui soit « à hauteur d’hommes ». Les textes sont à retrouver ici:
Pour une agriculture à hauteur d’homme
Chronique de nos campagnes

La troisième série touchera à l’énergie, à ses enjeux et aux futurs développements des défis qui s’y rapportent. Les textes sont à retrouver ici:
Energie: panorama des enjeux écologiques
Energie solaire : se réapproprier l’écologie

Enfin, la dernière série aura trait à l’économie circulaire et à nos comportements en termes de consommation.

Nous espérons qu’en balayant ainsi largement ce sujet essentiel, nous puissions susciter autour de vous réflexions et… actions !